Je me suis enfin décidée à assumermes poils! Et tout le monde s’enfout…
- eloisevallat
- 21 sept.
- 2 min de lecture
A isselles, mollets et maillot: cet été j’ai décidé de laisser ma bestialité refaire surface. Ça n’a pas été facile, un vrai travail de longue haleine! Il y a eu des nuits noires hantées de doutes. D’interminables face-à-face en sous-vêtements devant le miroir en pied de la chambre à coucher. Le retour du printemps et des jupes qui m’a fait passer à deux doigts de la crise existentielle. Mais j’ai tenu bon. Pas une goutte de cire, pas une lame de rasoir, pas une pince à épiler n’est venue s’attaquer à l’amas de poils que j’ai regardé pousser d’un œil aussi fier qu’inquiet. Du naturel, rien que du naturel! Et la ferme intention de faire ravaler sa langue à quiconque oserait me faire le moindre commentaire. J’étais prête comme jamais une amazone n’a dû l’être. Prête à hurler liberté et mort au patriarcat à la face de la terre entière! Quelle ne fut pas ma déception de réaliser que, mis à part moi et mon nombril, ma toison faussement rebelle a laissé de marbre le reste du monde.
Il y a quelques dizaines d’années, un minuscule tatouage suffisait à clamer son anticonformisme
Jamais je ne m’étais imaginé que la victoire que notre époque a remportée pour l’acceptation et la diversité allait se retourner contre moi. Il y a quelques dizaines d’années, un minuscule tatouage suffisait à clamer son anticonformisme. Porter une coupe mulet était réservé aux Valaisans ou aux extraterrestres. Les piercings et les maillots de corps en treillis noir criaient leur appartenance au monde de la nuit et de la musique électronique. Voici qu’aujourd’hui, la première adolescente croisée à l’arrêt de bus mélange avec un naturel déconcertant des jambes plus décorées qu’une bande dessinée, une coupe que je n’aurais même pas osé faire subir à mes poupées Barbie et des ongles interminables, fluorescents et ornés de diamants. Que dire de celles qui se rasent la tête et exposent fièrement leur crâne lisse? Ceux qui portent des chaussettes montantes dans leurs Birkenstock et se pavanent comme les rois du monde? Pas étonnant que personne n’en ait rien à faire de mes pauvres mollets poilus…
Banalisation
Dans ces conditions, comment brandir sa singularité à la face du monde puisque tout et n’importe quoi est désormais accepté? Comment faire pour passer à la vitesse supérieure? Organiser une manifestation en faveur de la guerre? Défendre le développement du trafic pendulaire en jet privé? Attaquer les traditions locales et cuisiner la fondue au fouet électrique plutôt que de la touiller en huit? Je ne souhaiterais pour rien au monde revenir sur nos acquis sociaux mais, comme la bonne vieille aigrie que nous sommes tous appelés à devenir, j’en viens à me dire que c’était mieux avant. A me désoler que toutes les extravagances, du monosourcil à la veste à franges, aient déjà été normalisées. A regretter de ne plus pouvoir casser les codes à la seule force de mes aisselles poilues.
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