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La pluie

Jimmy avait mis ses bottes pour sortir. Ses belles bottes jaunes en plastique, avec la petite abeille dessinée sur le côté, rayée et joyeuse d’être de la promenade. Ses bottes adorées, doublées de feutrine grise, avec des semelles de caoutchouc noir, usées et trouées sous le talon gauche.

Avec ses cheveux blonds en bataille, son grand ciré bleu et son parapluie vert parsemé de fleures blanches et rondes, Jimmy ressemblait à un arc-en-ciel prêt à s’élancer au ciel.

“Maman, je sors!”, cria Jimmy d’une voix grave et enfantine à la fois.

Une main déjà sur la poignée, ses pieds déjà en mouvements, le corps entier tendu vers l’extérieur.

“Mais, Jimmy, qu’est-ce que tu fais?”

Jimmy s’arrêta docilement au cri de sa maman.

“Je sors maman, je vais jouer dans le jardin”, répondit-il innocemment.

“Jimmy, combien de fois devrais-je te le répéter”, soupira la vieille femme en ajustant ses lunettes sur son nez froissé de rides. “Tu ne peux pas sortir comme ça mon amour, tes bottes sont trop petites, regarde, tu as pu y entrer à peine tes orteils.”

Baissant les yeux sur ses grands pieds, refusant de voir qu’ils dépassaient effectivement au trois quart de ses petites chaussures jaunes plastique, Jimmy répliqua avec sérieux et entêtement.

“Mais maman, il pleut dehors, il faut mettre mes bottes!”

“Non mon chéri, il ne pleut pas. Regarde, le soleil brille depuis ce matin. Tu vois bien qu’il n’y a pas de nuages dans le ciel. Allez, arrête d’inventer des excuses, enlève ses bottes et range les dans ton armoire.”

“Mais je veux aller jouer avec mes bottes!”, s’énerva Jimmy.

“Allons Jimmy, pas de ça aujourd’hui! Tu n’as plus l’âge de ces bêtises. De toute façon, il est l’heure d’aller travailler. Tu as préparé tes affaires?”

Voyant les yeux de son petit se remplir de larmes, devant son nez baissé et sa mine boudeuse, la vieille femme repris d’une voix adoucie:

“Je sais que c’est dur Jimmy, je suis désolée. Mais rappelle-toi, tu es un adulte maintenant, tu dois te comporter comme un grand. Je ne serai pas toujours là pour t’aider, tu dois apprendre à faire seul. Allons, va te changer et prépare toi pour le bus, il sera là bientôt.”

Relevant la tête, Jimmy se moucha dans sa manche à grand bruit et demanda d’une petite voix suppliante: “D’accord, mais est-ce que je peux mettre mes bottes pour aller au travail?”

La vieille femme n’eut pas le courage de priver son grand garçon idiot de ce petit plaisir. Elle le laissa partir pour l’institut chaussé de souliers d’adulte, mais portant dans ses bras, comme un trésor, ses petites bottes jaunes d’enfant.

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